L'interview créative d'Iga Kosicka

Iga Kosicka est une illustratrice polonaise installée à Copenhague. Pour notre guide sur la capitale danoise, nous lui avons donné carte blanche. Sa palette de couleurs, à la fois vive et douce, sa capacité à représenter la ville de façon poétique, et son œil aiguisé pour les petits moments du quotidien nous ont séduit au premier coup d’oeil.
Par un matin frais et lumineux d’avril, alors qu’elle terminait les illustrations du guide, nous sommes allées rendre visite à Iga dans son atelier. Nous avons discuté avec elle de son processus de création et de son lien avec la ville.
Iga, peux-tu te présenter ?
Je viens de Poznan, en Pologne. J’y ai étudié le design graphique et l’histoire de l’art, mais c’est après avoir déménagé à Copenhague, quand mon mari a trouvé un travail ici, que j’ai vraiment commencé à créer mes propres illustrations. Avant cela, nous vivions à Budapest et je travaillais dans le marketing digital. Ce n’était pas très épanouissant pour moi, donc quand nous avons déménagé, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que je voulais vraiment faire. C’est comme ça que je me suis lancée à plein temps dans l’illustration.
Aujourd’hui, je vends mes illustrations sur ma propre boutique en ligne (où je propose aussi des originaux), et je collabore avec des partenaires qui distribuent mes tirages.

Quel effet cela te fait-il de savoir que ton art accompagne la vie des gens au quotidien, dans leurs intérieurs ?
Je me souviens d’une promenade un soir où j’ai vu une de mes illustrations à travers la fenêtre d’un appartement. C’était surréaliste ! Aujourd’hui, c’est devenu plus « normal », mais quand je pense à tous les endroits dans le monde où mon travail est parti, c’est toujours très émouvant. Un jour, j’aimerais que quelqu’un commande depuis le Groënland.
Je reçois beaucoup de messages adorables de la part des gens. C’est vraiment ce qui me procure de la motivation. Même pendant les confinements, les gens au Danemark ont continué à commander des tirages ! Pour l’impression, je travaille avec une amie en Pologne, et mes commandes l’ont même aidée à traverser la pandémie.
Les expositions sont aussi très importantes pour moi. En début d’année, j’en ai eu une à Séoul, intitulée Iga’s Supermarket. Même si je n’ai pas pu y aller, les retours ont été incroyables et cela m’a beaucoup touchée. L’exposition présentait des illustrations originales et des tirages en édition limitée, dont une série spéciale coréenne inspirée des emballages alimentaires emblématiques. L’exposition avait lieu chez Alltid et était organisée par Current Brown Seoul.

Peux-tu nous parler de ta routine de travail ?
Mon emploi du temps s’organise surtout autour de mon fils, qui est en maternelle. J’ai un bureau à la maison à Valby, un quartier du Sud-Ouest de Copenhague, mais je loue aussi un espace d’atelier tout près, là où nous sommes actuellement. J’y travaille quelques heures dans la journée. C’est pratique parce que je peux y laisser mon matériel en place, sans avoir à ranger ou à m’inquiéter que mon fils touche à tout. Ça me donne un espace calme pour me concentrer.
Les hivers au Danemark peuvent être assez rudes, c’est comme si tout le pays hibernait. Donc je viens généralement plus souvent à l’atelier au printemps et en été. Je me sens plus inspirée et motivée quand la lumière revient.

Comment définirais-tu ton style ?
À l’école de design graphique, on nous décourageait souvent d’utiliser des techniques « manuelles ». Tout tournait autour des outils numériques comme Adobe Illustrator, que je n’ai jamais vraiment aimés. Donc après avoir terminé mes études, je suis revenue aux méthodes traditionnelles : peinture, dessin, matériaux réels, et c’est là que j’ai commencé à développer un style personnel, un style qui me ressemble. Aujourd’hui, je commence généralement par des dessins à la main, aux crayons de couleur, à la gouache ou à l’acrylique, puis j’ajoute parfois de petits détails numériquement sur l’iPad.
Je décrirais mon travail comme pastel mais coloré, nostalgique et en même temps joyeux. J’aime quand une illustration a un rythme visuel fort et des touches lumineuses. Je commence souvent par définir une palette de couleurs et j’essaie de garder une certaine cohérence entre les illustrations.

Où trouves-tu ton inspiration ?
Mon inspiration vient de la vie quotidienne : des chiens qui attendent leurs maîtres dans la rue, des objets et de la nourriture sur une table à la maison, des gens qui jouent au foot ou qui sèchent au soleil après une baignade, un groupe assis à une terrasse de café ou de restaurant, des gens qui lisent ou qui regardent tranquillement le paysage.
La première fois que vous avez évoqué l’idée de collaborer sur le guide, j’avais déjà plein d’idées en tête. Je pensais justement à ce moment là à réaliser une deuxième édition de mon propre livre sur les parcs de Copenhague. J’aimais l’idée d’illustrer ces choses « typiquement danoises » qu’on commence à remarquer après avoir vécu ici un certain temps : les hot-dogs servis par les stands sur les places de la ville, les grands vélos-cargos qu’on appelle ici « Christiania bikes » qui transportent les courses, les enfants ou les animaux, les fleurs de sureau et les baies d’argousier qu’on cueille pour faire du jus, les éléments de design emblématiques comme la lampe ou la chaise de Verner Panton. Pour ce projet, j’ai centré la palette autour d’un bleu-gris, avec des touches chaudes de rouge orangé.

Cette interview a été réalisée par Louise Cattarinussi, collaboratrice locale du guide AWA sur Copenhague.